C’est le plus beau paquebot de la PSC, la Poseidon Sea Cruises (où l’on peut aussi déchiffrer les initiales du Parti Socialo-Capitaliste). Plus long que la Tour Eiffel, plus haut que l’Arc de Triomphe, ce Léviathan fut commandé par Hannibal Kadhafi, le fils du tyran libyen, avec à fond de cale un aquarium à requins...
Lu-xuo-sa : c'est ici le nom d'un gigantesque paquebot de croisière où, sans savoir pourquoi, embarque Lola, belle grue cendrée, sagace et indépendante, chaussée de Converse et portant un sac Tati à rayures rouges et blanches.
Comme dans W de Georges Perec, deux récits alternent, chacun trouvant son sens dans le miroir de l'autre : au fil de diverses rencontres, agréables ou terrifiantes, Lola s'aperçoit que ce bâtiment, à la fois centre commercial et base de loisirs, est régi par «un plan business» et «un système infantilisant Playmobil®». Dans le second récit, imbriqué au premier comme les nuits succèdent aux jours, les cauchemars de Lola tissent une trame sans défaut : y figurent un camp de prisonniers, un centre de tri, un navire évoquant le Luxuosa, d'anodines séances de gymnastique dégénérant en torture collective, un casino sanglant donnant sur un aquarium à requins.
Une seule pensée obsède alors Lola : s'évader. Sur le mode du conte ou de l'allégorie, ce livre est une fable contemporaine dont la morale serait, pour paraphraser une formule célèbre : «Un spectre hante le monde : les loisirs». Car une utopie inversée cul par-dessus tête se profile à l'horizon de ces pages : dans le meilleur des mondes possibles, nous serons bientôt tous sous Luxuosa.